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Tahiti, le 8 décembre 2020 - Nos entreprises ont parfois du mal à trouver des financements alors que les épargnants polynésiens sont obligés de placer leurs économies à l’étranger… La toute nouvelle entreprise Invest In Fenua veut les mettre en relation et espère lever un milliard de Fcfp chaque année auprès d’investisseurs locaux pour financer notre économie.

Quand une entreprise polynésienne veut développer un projet mais qu’elle n’a pas assez d’argent en réserve pour le financer seule, elle n’a pour l’instant que deux choix : aller voir une banque et s’endetter ou faire les yeux doux aux grandes entreprises et fortunes locales pour leur vendre des participations à son capital.

Dans les grandes économies, elles auraient une autre alternative : faire appel à l’épargne publique. En effet, il n’y a pas que les milliardaires qui cherchent des opportunités d’investissement, les petits épargnants aussi ont besoin de préparer leur retraite et de placer leurs économies à des endroits où elles fructifieront. Malheureusement, en Polynésie, ils étaient jusqu’à présent obligés d’investir en métropole ou à l’étranger, à travers les livrets A, assurances vies, investissements boursiers et autres placements en France, aux USA, en Nouvelle-Zélande ou en Thaïlande… En tout, une quinzaine de milliards de Fcfp qui sortent du territoire chaque année au lieu de financer des investissements polynésiens.

C’est pour résoudre ce problème que Pierre Germon et Nicolas Laurent ont quitté leurs confortables postes dans la haute finance locale pour créer la toute première société d’investissements participatif polynésienne : Invest In Fenua. "Évidemment, on espère ne pas finir ruinés dans cette opération, là on ne s’est pas payés depuis neuf mois… Mais si ça réussit, ça aura valu le coup. C’est vraiment une question de patriotisme économique" assure Nicolas Laurent, directeur des investissements de la jeune startup financière.

Ce projet aura nécessité trois ans de préparation aux deux trentenaires, le temps d’obtenir tous les agréments auprès des autorités de régulation, de créer un site internet ultra-sécurisé et de démarcher les entreprises locales qui pourraient être intéressées. Et depuis la semaine dernière, c’est fait : Invest In Fenua a lancé sa toute première opération.

280 millions de Fcfp pour financer un réseau 4G

Cet investissement concerne l’opérateur Viti, qui a besoin de presque 280 millions de Fcfp en capital pour développer son réseau d’internet mobile. Les épargnants polynésiens qui veulent financer ce projet et acheter une part du capital de Viti peuvent s’inscrire sur le site investinfenua.pf, où toute une littérature les attend pour les informer du montage financier prévu, des opportunités de cet investissement… Et surtout de ses risques.

"Nos premiers investisseurs étaient surpris qu’on ne leur promette pas des rendements garantis, mais ce n’est pas comme ça que ça marche, tout investissement comporte des risques" note Pierre Germon, le directeur finances et risques du fonds d’investissement. "Nous avons pris toutes les précautions possibles (…) mais au final tout dépendra des performances de l’entreprise."

Si ce projet ne vous intéresse pas, pas de problème : une dizaine d’autres entreprises ou porteurs de projets ont déjà signé avec Invest In Fenua, qui veut présenter un projet par mois aux investisseurs potentiels. Beaucoup de variété est prévue, avec des projets agricoles, industriels, de service… L’objectif à long terme serait de mobiliser un milliard de Fcfp chaque année pour financer les entreprises polynésiennes, "soit moins de 0,5 % de l’épargne qui dort dans les comptes des Polynésiens" concluent les associés.

Parole à Pierre Germon et Nicolas Laurent, cofondateurs de Invest In Fenua

Quel est votre profil ?
Pierre :
J’ai une expérience en finances d’entreprise. J’ai commencé ma carrière en cabinet d’expertise comptable puis j’ai très vite choisi la voix de la finance d’entreprise en travaillant notamment pour la famille Mulliez en métropole, les propriétaires de Auchan, Leroy-Merlin et Décathlon. Je suis arrivé ici en 2014 chez Tahiti Nui Travel et depuis j’ai fait tout mon parcours comme responsable ou directeur financier.
Nicolas : J’ai un profil de banque d’affaires. J’ai grandi à Tahiti jusqu’au bac, puis j’ai fait deux masters, en gestion et en finance, avant de bosser sept ans en banque à Paris et à Londres. Je suis revenu au Fenua en 2016.

Vous aviez des postes confortables, pourquoi prendre le risque de tout quitter pour vous lancer dans l’entrepreneuriat ?
Pierre :
Effectivement, on a mis nos compétences et notre plus-value intellectuelle au service des autres. Avec Nicolas on s’est rencontrés amicalement et on a très vite décidé de mettre en commun nos expériences pour apporter notre pierre à l’édifice. L’envie d’entreprendre a été notre point commun et aujourd’hui on a créé Invest In Fenua. Nous voulons aussi donner leur chance à d’autres entrepreneurs, pour leur permettre de réaliser leur rêve, leurs projets.
Nicolas : J’ai fait toute ma carrière en banque, c’est un monde très codifié et encadré, qui est devenu très compliqué. On se retrouve à dire de plus en plus non, et rarement oui… Les banquiers font un travail nécessaire à l’économie, mais on peut se retrouver dans des situations où notre objectif est complètement décorrélé de l’économie réelle, où on ne va pas avoir d’impact. J’ai eu la chance de travailler 4 ans à Londres dans des sociétés qui réécrivaient l’histoire de l’économie. J’ai été aux États-Unis et j’ai vu comment ils créaient les solutions de demain, et ils expliquaient en permanence que l’objectif est d’avoir un impact et d’aller de l’avant. Moi je voulais avoir un impact sur l’économie du fenua. J’en ai parlé à Pierre, on a identifié ces deux besoins côte à côte, et on s’est demandé comment on pourrait avoir un impact positif sur l’économie polynésienne en permettant à ces deux besoins de se rencontrer enfin. Plus simplement, on ne manquait pas d’argent, mais on cherchait vraiment à donner du sens à notre métier.


Vous parlez de patriotisme économique, mais en quoi Invest In Fenua serait-elle bénéfique à l’économie polynésienne ?
Nicolas :
Les économistes le savent bien, quand il y a une circulation des capitaux et de l’épargne locale dans l’économie locale, c’est très favorable au développement de l’économie. C’est ça le concept de Invest In Fenua. Il y a une masse de presque 200 milliards de Fcfp d’épargne, de capitaux polynésiens, qui, dans les faits, ne financent pas l’économie locale.
Le deuxième constat, c’est le niveau de capitalisation très bas des entreprises… Alors qu’on sait que plus une entreprise est capitalisée, meilleure est sa santé. Ici les entreprises manquent de fonds propres, ce qui les empêche de se développer à la vitesse où elles le voudraient.
Donc on a deux besoins parallèles, donc pourquoi on n’arriverait pas à mettre en place une solution en Polynésie, comme il en existe dans d’autres économies similaires comme les Fidji ou l’Islande ? On parle de développer l’autonomie financière de la Polynésie.

Rédigé par Publireportage le Mardi 8 Décembre 2020 à 15:22 | Lu 4984 fois